Que faire, et quelle a été la contribution de notre Association?
Comme pour tous nos projets nous nous sommes mis à l’écoute des solutions proposées par les habitants et leur conseiller agricole communal Alou Waziri, auquel s’est adjoint Moussa Barké en 2010. Ils sont partis de la constatation que la commune était structurellement déficiente pour la production de mil et que la priorité était l’augmentation des rendements par unité de surface. Ceux-ci sont effectivement très faibles, de l’ordre de 200 à 300 kg/ha (à comparer au 10 000 kg/ha du plateau de Saclay). La solution proposée a été de tirer parti de l’existence sur la commune d’une petite société de production de semences (Ahleri, voir « Pour une amélioration des semences », en italiques ci-dessous) créée par des agronomes nigériens pour promouvoir des techniques modernes plus productives et utiliser des semences améliorées au Niger.
Afin de démontrer l’intérêt de la technique, ils ont mis en place en 2008, trois champs-écoles chez trois agriculteurs. Les résultats se sont révélés si positifs (doublement à triplement des rendements) que le nombre de volontaires est passé à 22 en 2009, 74 en 2010, 143 en 2011 et 170 en 2012 malgré les difficultés rencontrées en 2011 à cause de la sécheresse.
Dès le début, notre Association a soutenu l’opération, d’abord sur ses fonds propres, car elle a un coût financier et humain. En effet, l’achat des semences et des fertilisants suppose la mise en place de prêts individuels et la mise sur pied de groupements paysans pour organiser les labours et gérer les stocks en attendant la vente du grain pour le remboursement des prêts. Cette démarche, affinée en concertation avec les agriculteurs lors de notre voyage en 2010, a fait apparaître un autre problème qui est la protection vis-à-vis de la fluctuation des cours. En effet, les cours à la récolte (octobre) sont environ 2 fois inférieurs à ceux du mois d’avril à cause de spéculateurs qui profitent du fait que les producteurs sont à cours d’argent à la récolte et sont prêts à vendre à n’importe quel prix. La solution a donc été d’augmenter la durée des prêts pour retarder le remboursement jusqu’au mois d’avril. Le succès, même en année défavorable, de cette opération de décalage des ventes a conduit en 2012 les agriculteurs qui avaient des excédents à demander directement à la banque une avance sur les ventes à venir : c’est ce que l’on appelle le « warrantage » (voir définition ci-dessous). Dans le système qui a été mis au point collectivement, il n’y a pas d’intermédiaire, élément qui avait conduit les expériences antérieures à l’échec à cause de la méfiance des agriculteurs.
Nouveau local de stockage construit en 2011 et sacs marqués au nom de leur propriétaire
L’ensemble de ces réflexions et l’ampleur des investissements à réaliser avaient amené à demander le soutien de la coopération décentralisée financée par le M.A.E.E. qui nous a procuré 22 000€/an sur trois ans, subvention qui s’est ajoutée à celle du Conseil Général (12 000€). Ces actions qui se terminent en 2013 comportent les trois volets indispensables : technique (achats de charrues, aides à la traction animale, semences améliorées, engrais et compostage, construction de locaux de stockage), financier (cautionnement des prêts semences + engrais) et organisationnel (suivi des champs-écoles, mise en place des organisations paysannes, actions de formation). Le R.A.I.L, en association avec les deux conseillers agricoles, joue ici un rôle important.
(*) Le warrantage est une avance faite à la récolte sur les ventes futures. Le prix fixé est celui du cours à la récolte, cours très bas car les besoins d’argent des agriculteurs les amènent à vendre à n’importe quel prix. L’avance faite est considérée comme un prêt qui est remboursé à la banque (C.M.N.) quand les cours sont remontés à une valeur raisonnable (avril). Le warrantage ne doit pas être confondu avec le prêt pour les achats de semences et d’engrais. Il s’agit dans les deux cas de prêts du CMN dont les délais de remboursement sont identiques, mais les objectifs sont différents : permettre l’achat des intrants pour procurer un meilleur rendement dans un cas, assurer de meilleurs revenus à la vente dans le cas du warrantage. L’Association n’assure le cautionnement que dans le premier car la banque s’assure directement sur la récolte dans l’autre.
Pour une amélioration des semences.
Une condition essentielle pour obtenir une récolte satisfaisante est l’utilisation de semences de qualité, ce qui n’est pas le cas dans la situation traditionnelle où l’agriculteur produit ses propres semences.
Dans cette perspective, le gouvernement du Niger, soutenu par un programme américain, avait, entre 1980 et 1990, suscité la création de Centres de Semences Améliorées. Quand ce programme s’est retiré, seul un groupement d’agronomes nigériens des environs de Doutchi a poursuivi, appuyé à partir de 1998 par le Programme de gestion des Ressources Naturelles financé par la Banque Mondiale. Cette communauté a acquis une bonne expertise et sa production de semences lui apporte de bons revenus.
L’entreprise Ahleri, créée en 2005 à Dogondoutchi, regroupe des agriculteurs choisis en fonction de leurs compétences et des bonnes conditions offertes par leurs champs pour cette production de semences améliorées. M. Adamou Samaïla, qui a pris ses fonctions de maire en juillet 2011, est l’un d’eux. L’entreprise Alehri vend les semences aux agriculteurs de la région, en particulier à ceux qui font partie du projet de développement de l’agriculture soutenu par l’Association Échanges avec Dogondoutchi-Niger. Elle se développe bien et bénéficie de l’aide de la mutuelle de crédit ARK (autre mutuelle du département de Dossou mise en place pour soutenir l’agriculture, à laquelle a participé Adamou Samaïla, le nouveau maire).
Cette entreprise a aussi un rôle de conseil auprès des agriculteurs : elle leur indique comment préparer le sol, quelles doses d’engrais apporter et à quels moments, car les semences ne sont bien valorisées qu’avec un complément nutritif et de bonnes pratiques agronomiques.
Voir aussi :
Que se passe-t-il en cas de sécheresse ?
La pomme de terre, mieux qu’une solution de secours
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